

Tous les jours, à l’approche de l’heure du déjeuner, la salle des Trois Fourneaux s’anime discrètement. Ce restaurant situé dans le centre commercial de la Treille propose de bons repas à prix raisonnables, mais c’est aussi et surtout un endroit où les jeunes en difficulté prouvent qu’ils peuvent eux aussi réussir.
Créé en 1985, le restaurant d’application Les Trois Fourneaux (un établissement pédagogique dédié aux métiers de la restauration) incarne l’union de trois forces publiques — la Protection Judiciaire de la Jeunesse, l’Éducation nationale et la Ville des Ulis — qui ont choisi d’agir concrètement pour l’avenir de la jeunesse. Quarante ans plus tard, la formule n’a pas changé : transmettre un métier, accompagner une reconstruction, prévenir les ruptures avant qu’elles ne deviennent des impasses.
Le restaurant porte un projet d’utilité locale, sociale et économique. Les jeunes y sont accompagnés par une équipe pluridisciplinaire qui s’investit au quotidien en vue de leur insertion sociale et professionnelle. L’objectif est de permettre à ces jeunes, dont certains sont en décrochage ou marginalisés, d’apprendre les métiers de la restauration en situation réelle. Il permet la préparation à une certification ou une qualification de niveau V en cuisine et en service de salle (Titre professionnel, CAP). La structure peut accueillir 20 jeunes, un tiers issus de la Mission Locale Vita-lis (via la Ville), un tiers issus de l'Éducation nationale, le reste orienté par la PJJ.
Ici, les jeunes apprentis préparent une cuisine française de qualité à prix modérés, souvent sous la forme d’un menu conçu par les formateurs pour concilier faisabilité pédagogique et exigence gastronomique. Les menus changent selon les sessions de formation et permettent aux apprentis d’apprendre plusieurs techniques de cuisine.
La formation s’accomplit par l’expérience directe. En cuisine, les jeunes apprennent à respecter des règles professionnelles : hygiène, organisation, maîtrise du temps et des cuissons ou encore gestion des produits frais. Les menus évoluent au fil des saisons et en fonction des compétences acquises, permettant d’observer une progression concrète. Une assiette réussie devient un encouragement immédiat, un pas de plus vers la qualification.
En salle, l’apprentissage se concentre sur la relation avec le client : savoir l’accueillir, écouter sa demande, faire preuve d’attention et de politesse. Ces qualités humaines, souvent discrètes, sont pourtant essentielles pour trouver un emploi. Elles permettent aussi de retrouver confiance en soi et en les autres, et de mieux prendre sa place dans la société.
Une recette qui fonctionne : les clients reviennent aux Trois Fourneaux parce qu’ils y sont bien accueillis, avec un service de qualité.
Le dispositif repose sur une conviction commune à ses trois partenaires : chaque jeune mérite une opportunité. Il s’agit d’intervenir bien avant la rupture, d’agir en prévention pour éviter l’exclusion durable. La justice éducative privilégie l’accompagnement, en offrant un cadre structurant et bienveillant où l’erreur ne condamne pas mais permet d’avancer.
Depuis quarante ans, la Ville des Ulis s’assure que ce service essentiel reste accessible et pleinement intégré à la vie du territoire. Elle met à disposition des locaux adaptés, accompagne les évolutions du dispositif et veille à maintenir un environnement propice à l’insertion.
Cette coopération étroite avec la Protection judiciaire de la jeunesse et l’Éducation nationale constitue la force des Trois Fourneaux. La continuité institutionnelle ainsi garantie a permis d’inscrire ce projet dans la durée, malgré les évolutions des politiques publiques.
« Aucun de nous ne pourrait réussir seul », rappelle M. Diabira, directeur territorial éducatif et d’insertion de la PJJ. Les faits lui donnent raison.
Accompagner, éduquer et offrir une seconde chance aux jeunes en conflit avec la loi : telle est la vocation de la direction territoriale de la Protection judiciaire de la jeunesse en Essonne. Au quotidien, la PJJ prend en charge les mineurs qui lui sont confiés, que ce soit dans ses propres établissements ou au sein de structures associatives habilitées, dont elle garantit la qualité et le suivi. Elle élabore également les cadres d’organisation et les normes de la justice des mineurs, en lien étroit avec les services de protection de l’enfance et l’ensemble des acteurs compétents.

⚫ PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
Accompagnement éducatif personnalisé et suivi vers l’insertion professionnelle.
⚫ ÉDUCATION NATIONALE
Formation technique et pédagogique aux métiers de la restauration.
⚫ VILLE DES ULIS
Accueil du dispositif, soutien logistique et intégration dans la vie du quartier.

Directeur - PJJ
Responsable d’unité éducative - PJJ
Éducatrice - PJJ
Secrétaire - Mairie
Professeure d’Enseignement générale – Éducation Nationale
Professeur Hôtellerie Restauration – Éducation Nationale
Professeur Technique Hôtellerie Restauration Service et Commercialisation - PJJ
2 Professeurs technique cuisine – Éducation Nationale
Agent technique – Mairie
1985 Création du restaurant d’application
⊲ Une coopération tripartite inédite : PJJ – Éducation nationale – Ville des Ulis
1989 Inauguration des locaux et premiers parcours certifiants
⊲ Mise en place des formations qualifiantes en restauration
2000–2010 Évolution des publics accueillis
⊲ Jeunes en réorientation, prévention du décrochage, accompagnement renforcé
2022 Rénovation du restaurant et de la cuisine
⊲ Modernisation du matériel et de l'espace pédagogique

Le restaurant vit aussi grâce aux Ulissiens. Depuis son ouverture, de nombreux habitants ont pris l’habitude de venir y déjeuner régulièrement. Au fil du temps, une relation de confiance s’est instaurée entre les jeunes et leur clientèle, fidèle et bienveillante.
Ce lien direct avec les habitants est essentiel : il permet aux apprentis de trouver un regard positif posé sur eux, de se sentir utiles et reconnus. Chaque service, chaque retour, même discret, devient un message d’encouragement.
Aïcha confie : « On ne s’attend pas à ce niveau-là. On se régale vraiment. Et c’est beau de les voir évoluer ». Un peu plus loin, Pierre, retraité et pionnier de la ville, observe depuis sa table avec affection : « Ils apprennent un métier, oui… mais surtout, ils apprennent qu’ils comptent. Et ça, c’est essentiel ».



Quarante ans après son ouverture, Les Trois Fourneaux continuent de jouer leur rôle : donner du sens, de la confiance, une perspective. Certains jeunes poursuivent dans la restauration, d’autres prennent un autre chemin : toutes ces voies comptent. Ce qui importe, c’est d’avoir retrouvé une direction. Alors que tant de dispositifs naissent et s’éteignent au rythme des calendriers, celui-ci demeure. Sa force tient dans la patience, dans la continuité, dans le refus d’abandonner trop vite ceux pour qui le chemin est plus long. Aux Ulis, l’avenir ne se promet pas en grandes phrases : il se construit ensemble, dans la chaleur d’une cuisine qui croit à la deuxième chance.